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meas aliquantulum fore levatas. A côté, une boîte d’ébène ? N’est-ce pas celle du médecin de la famille. Un domestique entre, pâle et troublé ; il parle bas et mal. Cependant il est question dans ses phrases entrecoupées de violation de sépulture, de grands cris qu’on aurait entendus, d’un cadavre encore chaud et palpitant qu’on aurait trouvé au bord de sa fosse tout sanglant et tout mutilé. Il montre à Egœus ses vêtements ; ils sont terreux et sanglants. Il le prend par la main ; elle porte des empreintes singulières, des déchirures d’ongles. Il dirige son attention sur un outil qui repose contre le mur. C’est une bêche. Avec un cri effroyable, Egœus saute sur la boîte ; mais, dans sa faiblesse et son agitation, il la laisse tomber, et la boîte, en s’ouvrant, donne passage à des instruments de chirurgie dentaire qui s’éparpillent sur le parquet avec un affreux bruit de ferraille, mêlés aux objets maudits de son hallucination. Le malheureux, dans une absence de conscience, est allé arracher son idée fixe de la mâchoire de sa cousine, ensevelie par erreur pendant une de ses crises.

Généralement, Edgar Poe supprime les accessoires, ou du moins ne leur donne qu’une valeur très minime. Grâce à cette sobriété cruelle, l’idée génératrice se fait mieux voir et le sujet se découpe ardemment sur ces fonds nus. Quant à sa méthode de narration, elle est simple. Il abuse du je avec une cynique monotonie. On dirait qu’il est tellement sûr d’intéresser qu’il s’inquiète peu de varier ses moyens. Ses contes sont presque toujours des récits ou des manuscrits du principal personnage. Quant à l'ardeur avec laquelle il travaille souvent dans l’horrible, j’ai remarqué chez plusieurs