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un premier amour, et entretenu parla passion humaine, glorifie et consacre son objet, comme cela est généralement reconnu et avoué, que ne dit pas en faveur de celui qui l’inspira un dévouement comme celui-ci, pur, désintéressé, et saint comme la garde d’un esprit.

Nous avons sous les yeux une lettre, écrite par cette dame, mistress Glemm, le malin où elle apprit la mort de l'objet de cet amour infatigable. Ce serait la meilleure requête que nous pourrions faire pour elle, mais nous n’en copierons que quelques mots, — cette lettre est sacrée comme sa solitude, — pour garantir l’exactitude du tableau que nous venons de tracer, et pour ajouter de la force à l’appel que nous désirons faire en sa faveur :

« J’ai appris ce matin la mort de mon bien-aimé Eddie [1]. Pouvez-vous me transmettre quelques détails, quelques circonstances ?... Oh ! n’abandonnez pas votre pauvre amie dans cette a mère affliction... Dites à M*** de venir ; j’ai à m’acquitter d’une commission envers lui de la part de mon pauvre Eddie... Je n’ai pas besoin de vous prier d’annoncer sa mort et de bien parler de lui. Je sais que vous le ferez. Mais dites bien quel affectueux fils il était pour moi , sa pauvre mère désolée !... »

Comme cette pauvre femme se préoccupe de la réputation de son fils ! Que c’est beau ! que c’est grand ! Admirable créature, autant ce qui est libre domine ce qui est fatal , autant l’esprit est au-dessus de la chair, autant ton affection plane sur toutes les affections humaines ! Puissent nos larmes traverser l’Océan, les larmes de tous ceux qui, comme ton pauvre Eddie, sont malheureux, inquiets, et que la misère et la douleur ont souvent

  1. Transformation familière d’Edgar.