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C’est par cette fécondité des héritages privés, que les villes et les villages étoient devenus si nombreux, si prosperes ; mais cette fécondité merveilleuse étoit la suite de la régularité des arrosements, et de la facilité des communications.

Or, c’étoit la bonne et sage administration des Souverains qui les avoient opérées l’une et l’autre, en élevant les digues, en creusant les canaux et les [73] lacs. Sans ces travaux, le Nil, le Tigre, l’Euphrate, tantôt eussent tout inondé, tantôt eussent refusé le moindre rafraîchissement aux campagnes ; mais les eaux de ces fleuves saisies dans une juste proportion et au niveau convenable, se déposoient pour l’entretien continuel de la navigation et des arrosements dans les lacs immenses, et n’en sortoient que par poids et par mesure, pour les besoins de l’agriculture et du commerce.

Delà ce peuple innombrable vivant dans une prospérité qui paroît quelquefois presque fabuleuse, ainsi que sa multiplication elle-même ; et cependant les monuments qui restent-là depuis plusieurs milliers d’années (je ne dis pas les pyramides énormes et les édifices immenses qui les accompagnent, ce n’est là qu’un petit accessoire aux yeux du spectateur philosophe), je dis les lacs, les digues, les canaux, les restes majestueux des villes et des villages, les ca[74]davres mêmes si précieusement conservés, si richement ornés, et qui se tirent depuis si long-tems de leurs tombeaux inépuisables : ce sont là des preuves subsistantes, des preuves invincibles, qui confirment le rapport des ecrivains, d’ailleurs unanimes entr’eux et témoins oculaires, qui ont décrit l’état de l’Égypte dans des temps ou dans des lieux différents ; mais qui parloient tous à des contemporains capables de vérifier chaque jour la justesse ou la fausseté de leurs descriptions.

Cet État de l’Égypte et de ses travaux publics, dont une partie considérable subsiste encore après tant de siécles de la plus destructive barbarie, n’est donc rien moins qu’une fable, malgré quelques épigrammes d’un philosophe, très bel esprit, qui pourroient la faire croire à certains lecteurs.

C’est cet État qu’il faut bien méditer, pour [75] concevoir à quelle perfection peut être portée la bonne administration, et quels effets surprenants en résultent infailliblement pour la multiplication et le bien-être de l’espèce humaine.

D’ailleurs, outre qu’il nous reste des Caldéens et même des Incas du Pérou, des monuments à-peu-près pareils, la Chine nous offre