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ces hommes si supérieurement habiles, à ce qu’ils imaginent, s’ils voyoient un propriétaire particulier former le dessein de tenir sa richesse toujours égale à celle de ses voisins, et pour y parvenir, mettre ses soins, sa dépense, non pas à cultiver ses [485] terres, à bonifier ses avances foncieres, à bien assurer le débit de ses denrées, mais à troubler les dépenses de tous ses voisins ; à faire dégrader secrettement leurs édifices, leurs fossés, leurs plantations, à leur disputer les eaux, les marnes, les engrais, à les laisser perdre pour lui-même, plutôt que de permettre qu’ils en profitassent ; à faire périr autant qu’il pourroit de leurs récoltes, à éloigner d’eux les acheteurs ? Quel jugement porteroient ils d’une pareille conduite ? Ne décideroient-ils pas que cet homme est insensé et furieux ?

Eh bien, est-ce que les nations considérées comme telles, sont autre chose que de grands Propriétaires de terres ?

Que les hommes jugent par-là du mérite réel de ces inventions désolatrices, dont la basse adulation et l’ignorance servile ont fait tant de cas.

Si les Souverains et leurs Mandataires se livrent aux idées bruyantes de guerres, [486] de conquêtes, ou aux idées sombres de cet art qu’on appelle politique, c’est uniquement faute de connoître combien de gloire, de richesses, de puissance leur procureroit l’exercice paisible, juste et bienfaisant de leur autorité.

Dans l’état actuel où se trouve la civilisation de l’Europe, considérez quel est l’Empire où le retour à l’ordre bienfaisant de la nature, l’établissement de la véritable instruction morale économique universelle, de la plus simple et plus infaillible protection, de la seule véritable et légitime perception du revenu public et des vraies dépenses souveraines d’administration, ne porteroient pas la gloire, la richesse, la puissance du souverain à un degré infiniment supérieur aux résultats des guerres ouvertes ou cachées, même les plus heureuses ?

C’est donc évidemment sur la sagesse autant que sur la justice qu’est fondée la politique honnête et bienfaisante, qui [487] n’établit entre les Nations que des relations de paix, d’unité d’intérêt, de fraternité, de liberté et d’immunité du commerce, de respect inviolable pour les propriétés et les libertés.

N’usurper aucune propriété, ne violer aucune liberté, c’est la loi des Nations, c’est-à-dire que c’est le seul lien qui doit les arrêter dans l’usage de leurs propriétés, et dans leur liberté ;