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MARTHE, (haussant les épaules.)

Ne dis donc pas d’insanités !

SERGYLL.

Tu as eu raison de me les indiquer vertement et de me faire comprendre que j’agissais à la légère, comme un gamin… Je ne suis pas un gamin. Il y a en moi un côté sérieux, grave, pratique aussi… Je me trouve en face d’un grand amour sérieux, je n’ai nulle intention de le déranger ou de m’y immiscer, comme tu le prétends… C’est à moi de m’en accommoder et d’acquérir dans ton cœur, à force, la petite place que j’ambitionne.

MARTHE, (affalée, le coude dans les coussins.)

Mais non ! C’est de la folie pure !

SERGYLL.

Ne me décourage pas, Manoune, je t’en prie, quand je tiens un langage meilleur… Laisse-moi une illusion dont tu profiteras… (Humblement.) Il ne faut pas me chasser, ou, du moins, me chasser, avant que ta satiété ne soit venue… Je t’ai comprise : ce n’est pas moi qui t’irrite particulièrement, mais tu te morigènes toi-même en proportion du remords que tu éprouves…

MARTHE, (mordant son mouchoir.)

Ah ! le remords l’emporte !

SERGYLL.

Alors, tu t’accuses et tu exagères terriblement tes torts, mon pauvre chat… Au fond, quelqu’un de sincère pourrait-il te blâmer de rechercher, à cause même de l’écart d’âge qui te sépare de ton ami, quelques expansions de jeunesse ?… Tes