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voyez toujours… et vous avez bien raison… Je lui avais parlé en essayant mes robes chez Lucie… Si franche, si touchante… elle disait modestement : « Oh ! je sais qu’il ne peut pas m’épouser… il n’a pas d’argent, lui… et moi je n’ai pas de veine », ajoutait-elle… Alors, figurez-vous, je lui avais promis un porte-bonheur en améthyste, vague cadeau d’une voyante… Mais, quand je suis retournée chez Lucie, elle n’était plus là… elle s’était justement tir…

CARLOS, (l’interrompt en se levant nerveusement.)

Je vous en prie !

MARTHE.

Pauvre petit bout de femme !… Mais si, au fait, je l’ai revue une fois !… Parfaitement. Un soir, avenue du Bois… un soir de printemps… alors que vous alliez la chercher à la maison de santé où on la soignait de sa blessure… Ne voulant pas, sans doute par respect humain, la sortir dans la journée, vous attendiez la nuit pour lui faire faire ses premiers pas… C’était très émouvant, ce couple, dans l’ombre, qui ne se parlait pas… très (Elle cherche le mot.) humain. Je voudrais, quand vous la reverrez, que vous me rendiez un service ?… Celui de lui remettre de ma part ce que je lui avais promis autrefois, et dont votre musique vient de me faire souvenir tout à coup… le petit porte-bonheur, vous savez ?… Depuis quelques jours je le portais… pour ma propre sauvegarde… Peuh ! un bibelot de quatre sous, mais voulez-vous être assez gentil pour vous charger de la commission ?…

(Elle a détaché d’un bracelet le petit pendentif et le tend au musicien, railleuse et débonnaire.)