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Et vous, pour prix de ma complaisance, vous me décernez le sarcasme : je ne suis, à vous entendre, qu’un sophiste. Est-ce sérieux ?

Je fais plus encore. Vous aviez dit, — je cite vos propres paroles : — Montrez-moi comment l’intérêt, de légitime devient illégitime, et je consens à discuter la théorie du crédit gratuit.

Pour satisfaire à ce désir, d’ailleurs très-légitime, je fais l’historique de l’Intérêt, j’écris la biographie de l’Usure. Je montre que cette pratique a sa cause dans un concours de circonstances politiques et économiques, indépendant de la volonté des contractants, et inévitable à l’origine des sociétés, savoir : 1° L’incommensurabilité des valeurs, résultant de la non-séparation des industries, et de l’absence de termes de comparaison ; 2 « les risques du commerce ; 3° l’habitude, introduite de bonne heure parmi les négociants et devenue peu à peu constante et générale, de compter un excédant proportionnel, à titre d’amende ou indemnité (dommage-intérêt), à tout débiteur retardataire ; 4° la prépondérance des métaux précieux et monnayés sur les autres marchandises ; 5° la pratique combinée des contrats de pacotille, d’assurance, et à la grosse ; 6° enfin, l’établissement de la rente foncière, imitée de l’intérêt d’argent, et qui, admise sans contestation par les casuistes, devait servir plus tard à la justification de ce même intérêt.

Pour rendre la’démonstration complète, je prouve ensuite, par un simple rapport arithmétique, que l’intérêt, excusable comme accident, dans les conditions où il a pris naissance et où il s’est ensuite développé, devient absurde et spoliateur dès qu’on prétend le généraliser et en faire une Règle d’économie publique ; qu’il est en contradiction formelle avec le principe économique, que dans la société le produit net est identique au produit brut, en sorte que tout prélèvement exercé par le capital sur le travail constitue, dans la balance sociale, une erreur de compte et une impossibilité. Je prouve, enfin, que si, à une autre époque, l’Intérêt a servi de mobile à la circulation des capitaux, il n’est plus aujourd’hui pour cette circulation, de même que l’impôt sur le sel, le vin, le sucre, la viande,