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1616. septembre.

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porte lors que je serois entré a la chambre, me douttant bien que l’on auroit affaire des Suisses, ce quy me vint tres a propos.

Je trouvay la reine en juppe entre Mrs Mangot et Barbins, Mr de Fosse[1] un peu reculé ; elle me dit en arrivant : « Vous ne sçavés pas pourquoy je vous ay envoyé querir sy matin, Bassompierre ? » « Madame, ce luy dis je, je sçay bien pourquoy ce n’est pas. » « Je vous le diray tantost, » me dit elle, puis continua a se promener pres d’une demie heure. Je m’approchay de Fossé, bien estonné de le voir là, depuis que la reine le chassa pour avoir accompagné le commandeur de Sillery en sa disgrace[2]. Au bout de quelque temps elle entra en son cabinet avec les susdits et me dit : « Je veux prendre prisonniers Mr le Prince, Mrs de Vandosme, du Maine, et de Boullon. Je desire que les Suisses soint pres d’icy a onse heures du matin, comme dire[3] vers les Tuilleries, pour, sy je suis forcée par le peuple de quitter Paris, me retirer avec eux a Mantes. J’ay mis mes pierreries en un paquet et quarante mille escus en or, que voyla, et emmeneray mes enfans avesques moy, sy, ce que Dieu ne veuille et que je ne pense pas, j’y estois forcée, estant toute resolue de me soumettre plustost a quelque peril et inconvenient que ce soit, que de perdre mon autorité et de laisser desperir celle du roy. Je veux aussy, lors qu’il sera temps, que vous alliés a la porte avec vos Suisses

  1. Voir t. IV, p. 55, note 4.
  2. Le commandeur de Sillery, qui était chevalier d’honneur de la reine, avait été digrâcié avant son frère le chancelier.
  3. Il y avait dans les précédentes éditions : j’irai, au lieu de : dire.