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journal de ma vie.

a tous leurs sentimens, et que le roy me parloit a toute heure, et moy fort franchement a luy, que j’avois forces amis, et credit dans les gens de guerre, ils proposerent au roy de me laisser lieutenant general en Guyenne, dont ils firent donner a Mr de Roquelaure en recompense deux cens mille livres et le gouvernement de Leitoure. Ils m’en firent aussy parler par Rouccelay (quy s’avançoit aussy tant qu’il pouvoit et estoit aux bonnes graces des ministres), et par Mr le mareschal de Pralain : ils m’offrirent mesmes d’adjouter a ma charge celle de mareschal de France ; mais je voulus voir le cours de ce marché et attendre de voir en quelles mains tomberoint les affaires, jugeant bien que celles là n’estoint pas assés fortes pour les soustenir et m’asseurant que quiconque les auroit seroit bien ayse de m’avoir pour amy, et de me faire plus de part au gasteau que ceux cy ne m’en offroint. Je respondis donc au roy quand il me parla de cette lieutenance generale, que je m’estimois plus heureux de faire la charge de colonel general des Suisses pres de sa personne qu’aucune autre, eslongné d’elle ; que je ne faisois que sortir d’une grande maladie quy me demandoit trois mois de repos, et moy ce temps là au roy sans autre occupation qu’en celle de ma premiere charge ; ce que Sa Majesté agrea. Ils la donnerent en fin au mareschal de Temines, a quy ils osterent le gouvernement de Bearn, que l’on m’offrit encores ; mais j’en fis comme de celuy de Guyenne.

J’arrivay a Bordeaux six jours devant le roy[1], ou je fus fort visité, des ambassadeurs et autres.

  1. C’est-à-dire le 15 décembre : le roi arriva à Bordeaux le 21.