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1621. novembre.

car de nous camper a cette pointe, ceux de Montauban sortiroint avesques deux mille hommes, leur canon et leur cavalerie, et nous viendroint deffaire ; de passer, je ne pensois pas qu’il y eut de moyen. En fin je fis sonder un lieu ou il ne se trouva d’eau que jusques a la ceinture pour passer[1] : allors je dis a nos soldats que je serois leur guide, et que je m’asseurois qu’ils me suyvroint volontiers, encores que l’eau fut bien froide allors. Ils me prierent de la passer sur un cheval que l’on m’avoit mené ; mais je ne le voulus faire, et commencions tous a nous deschausser pour nous mettre en l’eau, [quand] nous avisames descendre un batteau chargé d’avoyne dans des sacs, venant de Picacos. Nous le fismes aborder, et ayans en diligence mis a terre tous les sacs, nous passames en seise fois, cinquante a cinquante, et moy a la derniere passée qu’il estoit toute nuit. Je logeay mes trouppes a trois villages prochains et m’en vins encores a Moissac ou le roy avoit envoyé le sieur des Fourneaux[2] mareschal des logis de l’armée avec tous mes ordres necessaires.

Je fus contraint de demeurer le lendemain, tant pour emprunter de l’argent de toutes les bourses, ou je trouvay cinq mille escus, et trois que j’en avois encores, que de preparer des batteaux pour embar-

  1. Pour passer l’Aveyron.
  2. Claude Fougeu, seigneur des Fourneaux, fils d’Hélie Fougeu, seigneur des Fourneaux, maréchal général des logis des camps et armées du roi, et d’Anne Beloïs, avait obtenu le 14 mai 1621 un brevet d’aide de maréchal des logis. Il fut aussi maréchal général des logis des camps et armées du roi.