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1621. novembre.

mais je leur asseuray et juray que je ne leur mentois point, et que leur en voulant laisser le sinnal, je ferois premierement mettre le feu aux huttes d’Estissac, puis a celles de Vaillac, de là aux Suisses, a Piemont, Chappes, et a Normandie, et qu’apres je mettrois le feu aux choses combustibles de nos tranchées ; finalement apres l’avoir mis a nostre cavalier, nous feríons immediatement apres nostre retraitte quy ne seroit pas plus longue qu’au bout de la tranchée. Ils me dirent que sy j’en usois de la sorte, je m’en trouverois mauvais marchand. Comme je leur parlois ils virent embraser le quartier d’Estissac, puis celuy de Vaillac, et celuy des Suisses, et ainsy les autres consecutivement, ce quy leur persuada mon dire, et me laisserent pour m’aller preparer la collation. Mais la composition de mes tranchées estoit de telle façon que je n’avois rien a apprehender ; elles estoint a angle saillant et rentrant ; et aux angles, de petites places d’armes capables de quinse mousquetaires, entre la riviere du Tar ou il y avoit un chemin sur le bord, et un autre grand chemin, lesquels avoint chascun cinq ou six traverses sur lesquelles on pouvoit loger des mousquetaires quy enfiloint encores les tranchées sans pouvoir estre deslogés : de sorte que je garnis ces traverses et ces places d’armes de bonne mousqueterie, et toutes les lignes, hormis la premiere, furent bordées de mousquetaires en cas qu’ils eussent voulu passer par dessus les tranchées : et ainsy je quittay la premiere ligne, mes piques en retraitte pour faire teste s’ils fussent venus, et apres cette premiere ligne, comme les ennemis y voulurent entrer, ils furent salués des mousquetaires quy estoint a la premiere