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journal de ma vie.

mon opinion plus hardy que je ne l’eusse esperé d’un nouveau pape a un roy d’Espaigne ; car il luy mandoit que pour la liberté d’Italie, de laquelle la restitution de la Valteline estoit importante et necessaire, il estoit resolu non seulement d’y employer les armes spirituelles, mais les temporelles aussy : et ledit auditeur m’asseura en suitte qu’il se joindroit en ma negociation selon l’ordre qu’il en avoit de Sa Sainteté quy en faisoit son propre affaire ; ce que precedemment les ambassadeurs d’Angleterre, de Venise, [et Savoye][1] m’avoint dit de la part de leurs maitres, et l’ambassadeur de Florence aussy, mais ce dernier avesques plus de retenue et tesmoygnant plustost le mediateur que le participant, a cause des interets presque egaux quy le portoint tant du costé de France que de celuy d’Espaigne.

Sur le soir don Jouan de Seriça, secretaire d’Estat, me vint visiter de la part du roy, et me dire de plus, apres plusieurs belles paroles du contentement que le roy avoit de ma venue et de la bonne opinion qu’il avoit de moy, que j’aurois audience aussy tost que sa santé luy pourroit permettre. Il estoit fort vray qu’il estoit malade ; mais chascun croyoit qu’il le feignoit pour dilayer mon audience et mon expedition. Sa maladie luy commença des le premier vendredy de caresme[2], lors qu’estant sur des despesches, le jour estant froid, on avoit mis un violent brasier au lieu ou il estoit, dont la reverberation luy donnoit sy fort au visage que les gouttes de sueur en desgouttoint ; et de son naturel

  1. Inédit.
  2. Le 26 février.