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journal de ma vie.

puissance de persecuter justement[1] en se vengeant d’eux, et que moy quy avois mis ma vie pour son service, et quy avois, par son propre aveu, sy dignement agy en ces dernieres brouilleries ou il ne s’agissoit point de desposseder le roy de son estat, mais de l’eslongner d’aupres de luy, et que par consequent j’avois servy le roy, mais que c’estoit en ses interets particuliers [de luy Mr de Luynes][2], il me voulut payer de cette ingratitude sans l’avoir meritée ; et que je m’asseurois que quand il reviendroit a luy, qu’il m’auroit mieux consideré, et pesé mes actions passées, il me jugeroit digne de beaucoup de recompense et point du tout d’un si vil chastiment comme de me chasser de la court avesques infamie, a quoy je ne me pourrois jammais resoudre.

Je leur laissay la carte blanche, les connoissant mes amis ; et eux me prierent que sans faire semblant de rien ny en parler a personne, je laissasse cette affaire en leurs mains ou elle n’empireroit point : ce que je fis, et m’en allay prendre le mot du roy, quy apres me l’avoir donné, se tourna d’un autre costé. J’avois desja bien pris garde qu’il estoit toujours demeuré a un bout du navire pendant le chemin de Bordeaux a Blayes pour ne s’approcher du lieu ou j’estois ; et venant tous les jours disner et[3] souper cheux Mr de Luxembourg quy traitta Sa Majesté trois jours durant qu’il fut a Blayes, le roy ne disoit mot a table, comme il avoit accoutumé et de rire incessamment avesques

  1. Il y avait aux précédentes éditions : maltraiter infiniment.
  2. Inédit.
  3. Il y avait : ou.