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journal de ma vie.

Quand j’eus consideré les causes de ce subit changement de l’amitié de Mr de Luynes vers moy, je jugeay bien qu’il cherchoit des pretextes pour me perdre, et [que][1] n’en trouvant point de legitimes dans mes actions, il en inventoit[2] en mes paroles, desquelles malitieusement il pervertissoit le sens, comme je le fis clairement connestre a ces messieurs quy me parloint, lesquels ne me desguiserent point que c’estoit une pure jalousie de faveur quy le possedoit lors, et qu’estant en la posture ou il estoit, il avoit toujours les yeux ouverts sur tous ceux qui pouvoint divertir l’affection que le roy luy portoit, et que considerant la grande inclination du roy a m’aymer, il me regardoit comme le chien quy le devoit mordre, et qu’ils ne trouvoint pas estrange qu’il me voulut baillonner ; qu’au reste il leur avoit dit pour me faire sçavoir ces cinq causes de son divorce[3], et que c’estoit moy a y respondre, et qu’ils luy porteroint fidellement ce que je leur consignerois pour luy mettre en main, et ayderoint de toute leur puissance a raccommoder cette affaire ; qu’ils connoissoint au cœur de Mr de Luynes que le fond en estoit bon, et que je pouvois, par ma moderation et mon bon gouvernement vers le roy, remedier a la jalousie de son favorit.

Je leur dis donc pour respondre par articles aux plaintes de Mr de Luines, que j’eusse bien creu qu’il eut deu trouver estrange que j’eusse conseillé au roy d’approcher pres de sa personne les ennemis dudit

  1. Inédit.
  2. Il y avait aux précédentes éditions : inventeroit.
  3. Il y avait : mécontentement.