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journal de ma vie.

desja a Blayes pour nous en retourner. Le roy n’attendit point a leur faire response l’avis de son conseil, mais de luy mesme leur dit : « Puis que mon partement me veut donner la peine d’aller moy mesme verifier l’arrest, je le feray, et plus amplement qu’ils ne l’attendent », et sur ce entra en son conseil, resolu de partir, mais neammoins voulant sçavoir l’opinion d’un chascun sur ce sujet.

Dans le conseil estoint Mr du Maine, Mr d’Espernon, Mr de Pralain, Mr de Luynes, monsieur le garde des sceaux du Vair, Mr de Chomberg, Mr de Crequy, et moy. Mr du Maine discourut amplement pour dissuader le roy d’entreprendre ce voyage, se fondant sur l’incommodité du païs et de la sayson ; sur la crainte de soulever tout le party de la Religion, lequel pourroit faire de plus grands progres (cependant que le roy seroit en l’extremité de son royaume) dans la France, que luy en Bearn ; sur la disette des vivres dans les Landes pour son armée ; sur le long retardement du passage de la Garonne a son armée, quy de douse jours ne sçauroit estre trajettée, et sur plusieurs autres raysons. Tous les autres du conseil prindrent la contraire opinion, animans le roy d’entreprendre le voyage de Bearn, a quoy le roy se resolut, et dit a Mr du Maine : « Je ne me mets point en peine du temps ny des chemins ; je ne crains point ceux de la Religion ; et quant au passage de la riviere que vous dittes que mon armée ne sçauroit faire en douse jours, j’ay un moyen de la faire passer en huit : car j’envoyeray la mener par Bassompierre que voyla, quy m’a mené l’armée avesques laquelle je viens de deffaire un grand party, en la moytié moins de temps que je ne