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journal de ma vie

temps la, recherchoit ma sœur aynée : et advint qu’un jour que le roy commençoit a se mieux porter, Mr le Grand[1], quy estoit premier gentilhomme de la chambre, vint faire un tour a Paris, et Mr de Gramont l’ayant sceu, me vint prendre pour me mener le saluer : mais comme il estoit allé cheux Pregontat se baigner, je ne peus executer mon dessein que le lendemain matin. Sa courtesie ordinaire le porta a me faire plus de compliments que je ne meritois, et me pressa de demeurer a disner cheux luy, ou les plus gallans de la court estoint conviés. Pendant le disner, ils proposerent de faire un ballet pour resjouir le roy, et l’aller danser a Monceaux ; a quoy chascun s’estant accordé, quelques-uns de la compagnie furent des danseurs, et d’autres qu’ils choysirent, quy n’estoint pas presens. Ils me dirent qu’il falloit que j’en fusse ; a quoy je tesmoygnay un passionné desir : mais n’ayant point encores fait la reverence au roy, il me sembloit que je ne le devois pas entreprendre. Mr de Jainville[2] dit lors : « Cela ne vous en doit point empescher ; car nous arriverons de bonne heure à Mon-

  1. Roger de Saint-Lary et de Termes, seigneur, et depuis duc de Bellegarde, fils de Jean de Saint-Lary, seigneur de Termes, et d’Anne de Villemur, mort le 13 juillet 1646, à l’âge de 83 ans. On l’appelait Monsieur le Grand, à cause de ses fonctions de grand écuyer de France.
  2. Claude de Lorraine, fils puiné d’Henri de Lorraine, duc de Guise, et de Catherine de Clèves, comtesse d’Eu, porta d’abord le titre de prince de Joinville, et devint duc de Chevreuse par suite de délaissement à lui fait du dit duché par le duc de Guise son frère, le 12 avril 1606. L’auteur de ces mémoires l’appelle assez indifféremment M. de Joinville ou M. de Chevreuse. Le duc de Chevreuse mourut le 24 janvier 1657.