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journal de ma vie

secours du roy avesques des trouppes : ces trois colonels, dis-je, furent blessés a mesme endroit et au mesme bras droit, et furent mis en mesme chambre, pansés par un mesme chirurgien, nommé maitre Ambroise Paray, quy en fait mention en son livre. Le reingraf mourut par la fievre quy l’emporta ; et les deux autres eschapperent par le benefice d’une eau excellente quy avoit esté donnée autrefois par le baron de la Guarde[1] a Mr le cardinal de Lorraine, de laquelle Mr de Guyse secourut lors feu mon pere, quy en fit part au comte de Mansfeld son oncle, dont le lit estoit proche du sien ; laquelle eau, prise dans une cuillier, empeschoit trois heures la fievre de venir, ce quy les sauva. Il est de plus a remarquer que maitre Ambroise Paray ayant desclaré ausdits colonels qu’ils ne devoint esperer aucun mouvement au bras, a cause que la noix du coude estoit emportée, et qu’ils pouvoint choysir s’ils vouloint avoir le bras droit, ou courbe, mon pere donna le choix a son oncle de prendre l’une façon, et qu’il prendroit l’autre, affin de voir par le succes celuy quy auroit le plus heureusement eslu : ledit comte choysit d’avoir le bras estendu, disant qu’avec iceluy il pourroit allonger une estocade, et mon pere l’ayant laissé courbé, il s’en aida beaucoup mieux que son oncle ne fit du sien ; car il luy fut du tout inutile, la ou mon père se servoit du sien en beaucoup de choses, et ne paroissoit pas tant estropié.

    verneur des Pays-Bas pour le roi d’Espagne ; né en 1509, mort le 12 janvier 1582.

  1. Antoine Escalin des Aimars, dit le capitaine Poulin ou Polin de la Garde, célèbre général des galères sous François Ier, Henri II, et ses successeurs.