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journal de ma vie

je n’eusse bien envie de l’estre ; mais neammoins je vous puis asseurer qu’il y en a de plus sots que moy. » « J’eusse esté bien ayse que vous l’eussiés esté, me dit elle, car cela m’eut empesché d’en chercher un quy soit propre pour ce que j’en ay maintenant affaire. » « Madame, se peut il sçavoir a quoy ? » « A en faire un coronel general des Suisses, » me dit elle. « Et comment, Madame, ne le pourrois-je pas estre sy vous le vouliés ? » Elle me dit comme ils avoint capitulé avesques le roy qu’autre qu’un prince ne pourroit estre leur colonel general.

Comme nous nous en allions disner, je rencontray par fortune le colonel Galaty[1] en la court du Louvre, quy, selon sa coustume, me vint saluer, auquel je dis ce que la reine m’avoit dit, lequel me respondit qu’il se feroit fort de me faire aggreer aux Suisses, et que, sy je luy voulois commander, il partiroit des le lendemain pour en avoir leur consentement. Cela me fit remonter en la chambre de la reine pour luy dire que, sy elle vouloit, les Suisses y consentiroint. Elle me dit : « Je vous donne quinse jours, voire trois semaines de temps pour cela ; et sy vous les pouvés disposer, je vous donneray la charge. »

Allors je parlay a Galaty quy me pria de luy faire avoir son congé pour aller au païs, et qu’il partiroit l’apres demain, ce que je fis ; et au temps qu’il m’avoit promis il m’envoya une lettre des Cantons assemblés

  1. Gaspard Gallaty, du canton de Glaris-Catholique, servait déjà comme capitaine à Moncontour, et comme colonel à Arques et à Ivry. Il avait été anobli par lettres du mois d’avril 1587. Il mourut en juillet 1619.