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journal de ma vie

Apres avoir demeuré en cet estat d’indifference, ma patience s’acheva, et me resolus de quitter la court, la France, et le service du roy et de la reine, et d’aller chercher une plus heureuse fortune ailleurs, bien que de belles personnes fissent l’impossible pour me destourner de ce dessein. Je le dis a Sauveterre, et qu’il me trouvat une occasion de parler a la reine pour me licencier d’elle, quy s’en devoit le lendemain aller a Paris voir monsieur son fils quy y estoit malade, et avoit prié toute la court de l’y laisser aller seule et de demeurer aupres du roy. Sauveterre, a mon avis, luy dit ce pourquoy je desirois luy parler ; car comme j’entray a son cabinet, elle me dit : « Bassompierre, je m’en vas demain a Paris et ay commandé a tout le monde de demeurer icy ; mais pour vous, sy vous y voulés venir, je vous le permets et vous y parleray : mais ne prenés pas mon mesme chemin, affin que l’on ne die pas qu’a la regle generale j’y face quelque exception. » Cela me ferma la bouche, et le lendemain Mrs de Crequy, Saint-Luc, et moy, nous nous en vinsmes a Paris et allasmes attendre la reine en sa descente au Louvre, et la menasmes cheux Monsieur. Les autres s’en allerent, et je demeuray jusques a ce qu’elle fut en son cabinet, ou j’eus tout loysir de luy parler, et en sortis avesques asseurance qu’elle ne croyoit rien de ce que l’on luy avoit voulu persuader, dont je l’esclaircis entierement[1].

La reine trouva Monsieur en meilleur estat que l’on ne luy avoit mandé, et apres avoir demeuré deux jours

  1. Voir à l’Appendice. XVII.