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journal de ma vie

faisoit que sortir du lit : elle les fit entrer, et sortir ses femmes, sur lesquelles elle ferma la porte de son cabinet, ou elle avoit couché, et demeura avesques eux pres de trois heures. Mr le Prince y arriva sur les dix heures, et ayant battu a la porte, on ne luy ouvrit point, encores qu’il y eut attendu longtemps : on luy dit que la reine estoit avesques ces messieurs. Comme il s’en alloit, je le rencontray, quy me dit : « Sçavés vous bien que les trois barbons sont enfermés avec la reine, il y a plus d’une heure, et que l’on ne m’y a point voulu laisser entrer ?  » J’en fis l’estonné, et luy dis : « Monsieur, des hier nous vismes les avant-coureurs de cette affaire : la reine parla plus de deux heures au president Jannin dans le jardin de Luxembourg, et en suitte Mr d’Espernon la vint trouver, a quy elle fit aussy bonne chere comme elle la fit mauvaise a Mrs du Maine et marquis d’Ancres. » « Par Dieu, ce me dit-il, ces coquins la nous ont tout gasté. » « Mais gardés, Monsieur, luy respondis-je, que ce ne soit vous mesmes quy en soyés cause, quy ne pouvés attendre d’estre affermis en vostre autorité et ancrés bien avant en son affection, que vous la venés presser de vous donner le Chasteau Trompette, quy ne doit estre qu’un eschantillon des autres pretentions que vous et vos amis et serviteurs montrent desja d’avoir : on m’a dit que cela l’a cabrée, et qu’elle en avoit de tres vifs ressentiments. » Il me respondit que j’avois rayson, et que ce n’avoit esté son avis ; mais que Mr de Boullon l’avoit forcé de ce faire, et puis l’avoit abandonné au besoin, et n’avoit voulu se trouver a la demande que les autres en avoint faitte, mais avoit feint une goutte. Je luy dis la dessus, apres avoir un peu