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1613. janvier.

cette attente, elle leur redit encores qu’elle y aviseroit, et se leva du siege ou elle estoit dans le cabinet du conseil, et s’en vint au sien, pleine de colere et de despit ; et apres avoir un peu resvé, se tournant devers ces messieurs, quy l’avoint suyvie, leur dit : « Je sçay une affaire d’amour de Bassompierre, qu’il ne pense pas que je sache, et quy le mettroit bien en peine s’il le sçavoit. » Mr de Nevers luy dit : « Madame, il luy faut dire. » Puis me faisant signe, il me dit : « La reine a à vous dire quelque chose ; » et la reine ayant dit : « Non, non, je ne luy diray pas, » cela me mit en peine, et me fit instamment supplier la reine de me le vouloir dire. Allors elle s’en alla a la seconde fenestre de son cabinet, et me dit :« Ce n’est pas pour cela que je vous veux parler, mais pour vous demander sy Mr de Guyse ne vous parle plus du retour du comte de la Rochefoucaut. » Je luy dis : « Madame, il y a trois jours qu’il ne m’en a parlé ; et lors il me pria de n’en faire plus d’instance a Vostre Majesté, me disant qu’il feroit cette affaire la par le moyen de Mr le Prince, avesques lequel il se mettroit desormais sy bien, que ce ne seroint plus les verges avec lesquelles vous le fouetteriés quand vous seriés fachée a luy ; et qu’il pensoit qu’il ne pouvoit faillir de suivre le party de Mr le Prince, puis que Mr le marquis d’Ancres, vostre creature, le suyvoit. »

Lors la reine ne se peut tenir de jetter quattre ou cinq larmes, se tournant devers la fenestre, pour n’estre aperceue pleurer ; et, ce que je n’avois jamais veu, elles ne coulerent point, comme quand on a accoustumé de pleurer, mais se darderent hors des yeux sans descendre sur les joues. Elle me dit en suitte : « Ah ! Bas-