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journal de ma vie

envoyé querir les princes et les ministres, pour tenir conseil sur cette affaire qu’elle avoit infiniment a cœur. Elle me dit lors : « Vous voyés, Bassompierre, en quelle façon on s’addresse a moy, et le brave proceder de tuer un vieil homme, sans deffense, ny sans dire gare. Mais ce sont des tours de la maison : c’est une copie de Saint-Paul[1]. » Je luy dis que je serois fort trompé sy Mr le chevalier de Guyse faisoit une lache action, et que peut-estre que, quand la reine auroit sceu l’entiere verité, l’affaire ne se seroit pas passée sy creuement ; que neammoins je n’en savois autre chose que ce quy s’en venoit de dire ; que j’estois tres marri que Mr le chevalier eut offensé Sa Majesté, et encores davantage qu’avesques l’offense le baron de Lus y fut pery, quy estoit mon amy et un tres habile homme, quy servoit Sa Majesté avec satisfaction du service qu’il rendoit.

Allors le conseil fut assemblé dans l’entresol, ou j’ayday a descendre la reine, me rencontrant pres d’elle. On murmura fort de cette action, et chascun fut scandalisé de ce que l’on vint dire qu’il y avoit grand nombre de noblesse assemblée a l’hostel de Guyse, et que Mr de Guyse devoit venir trouver la reine bien accompagné. Sur cela on conseilla a la reine

  1. Antoine, dit le capitaine Saint-Paul, officier de fortune, fut un des quatre maréchaux de France créés, en 1593, par le duc de Mayenne. Devenu lieutenant du duc de Guise dans le gouvernement de Champagne, il mécontenta les habitants de Reims par ses actes d’oppression. Le jeune duc de Guise le tua de sa main sur la place de la cathédrale, le 25 avril 1594. — Voir à l’Appendice. XVI.