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1611. mars.

messe, et non les lettres de nullité d’icelle, dit lors a Mr le Comte qu’elle n’estoit pas sy mal habile qu’il pensoit, et qu’elle estoit bien asseurée de son fait : sur quoy Mr le Comte la pressant, elle luy dit qu’elle avoit une promesse de mariage de moy a sa fille, a quy j’avois fait un enfant. Allors Mr le Comte, bien ayse d’avoir trouvé occasion de me pouvoir nuyre, luy asseura de sa protection, et luy pria de suyvre son conseil en cette affaire, de laquelle il luy promettoit de la faire heureusement sortir.

Cette femme folle, pour satisfaire a la colere de Mr le Comte, se remit du tout entre ses mains ; et luy, la conseilla de me presser d’executer cette affaire, et, en cas de refus, de me faire citer par devant l’official. Elle ne manqua pas au premier precepte ; et moy m’estant moqué de cette demande, et luy ayant fait parler rudement par Richelieu que je luy envoyay, elle m’envoya citer environ quinse jours devant Paques[1]. J’avois receu une minute auparavant une lettre quy m’avoit extremement resjouy, et rentrois en mon logis quand un appariteur me donna cette citation, et plusieurs autres personnes en suitte des requestes pour leur donner quelque chose : je pensois que ce billet fut du nombre et de la qualité de celles la, que je mis dans ma poche avesques les autres, et fus deux jours sans sçavoir ce que c’estoit, jusques a ce qu’ayant donné plusieurs papiers a un secretaire pour voir ce que c’estoit, il vit cette citation, et me l’apporta.

Je reconnus bientost la main quy m’avoit jetté cette

  1. Pâques était le 3 avril.