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journal de ma vie

tendues au premier commandement, et que, dans les quartiers, on fut prest de prendre les armes au premier ordre qu’elle en envoyeroit.

Cependant tout le jour suyvant fut employé vainement a chercher les moyens d’accommodement, chascun des deux princes ayant un capitaine des gardes du corps pres de sa personne pour le garder. Le soir Mr le Prince envoya prier Mr de Guyse de luy envoyer un de ses amis confidens : Mr de Guyse se conseilla avesques les princes et seigneurs qui l’assistoint, du choix qu’il devoit faire pour cet envoy ; et en fin, par leurs avis, il me pria d’y aller.

Je le trouvay[1] cheux Mr de Beaumont[2], en la place Dauphine, et me fit soupper avesques luy : apres souper, s’estant retiré en une chambre avec moy, il me commença a dire l’affection qu’il portoit à Mr de Guyse, lequel il pensoit avoir grandement obligé, de se monstrer neutre[3] en une affaire ou il y alloit de l’interest de sa mayson, de laquelle il estoit le premier prince, et par consequent chef apres la mayson royale ; que cela le devoit porter, non seulement a croire son conseil, mais a suivre ses opinions et intentions ; que cependant, a cause du grand nombre d’amis qu’il avoit rencontrés en cette occasion, il se tenoit fier, voulant traitter du pair avesques les princes du sang,

  1. C’est-à-dire : je trouvay le prince de Condé.
  2. Christophe de Harlay, comte de Beaumont, fils d’Achille de Harlay, comte de Beaumont, premier président au parlement de Paris, et de Catherine de Thou, mort en 1615. Il fut plusieurs années ambassadeur en Angleterre.
  3. C’est-à-dire : en se montrant neutre.