Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/300

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
264
journal de ma vie

piqué de ce que l’infante Isabelle avoit eu pour son partage les grands estats de Flandres, et que l’infante Caterine sa femme[1] ne luy eut apporté que quarante mille ducats de rente en dot, assinnés sur le royaume de Naples, desquels il estoit assés mal payé ; il pretendoit qu’au moins la cadette devoit avoir le duché de Milan, puis que l’ainée avoit eu les Païs Bas ; et parce qu’il ne l’avoit pas, il pensoit que l’on luy destint injustement : c’est pourquoy il s’adressa diverses fois au roy pour le porter a la guerre, luy offrant, avesques son assistance et son service, des grandes pratiques et intelligences qu’il disoit avoir dans et sur le duché de Milan.

Le roy quy connoissoit l’humeur de ce prince, et quy se deffioit de sa fidellité, fit plusieurs difficultés d’entrer en aucune pratique avesques luy : finalement, luy ayant fait dire qu’il donneroit telles asseurances de son immuable affection que Sa Majesté en desireroit, elle fut conseillée de l’escouter ; et S. A. de Savoye envoya lors un seigneur nommé le comte de Gatinare[2], et un de ses secretaires en quy il se confioit fort, que le dit comte fit semblant de desbaucher pour l’accompagner en ce voyage quy avoit pour apparence la congratulation de la naissance d’un des enfans de France.

Le comte de Gatinare, apres avoir eu audience,

  1. L’infante Isabelle-Claire-Eugénie et l’infante Catherine étaient nées toutes les deux du mariage de Philippe II, roi d’Espagne, et d’Elisabeth de France, sa troisième femme.
  2. Sans doute Philibert-Mecurin Arborio, marquis de Gattinare, grand-maître d’hôtel de Savoie.