Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
journal de ma vie.

inclination du roy, alienée du roy d’Espaigne par son ressentiment des outrages receus par luy en ces dernieres guerres, et par l’apprehension de sa grandeur, quy, par rayson d’estat, luy devoit estre suspecte : de sorte qu’ils trouvoint libre acces vers le roy, et paisible audience, mesmes avec approbation, quand ils luy parloint contre Espaigne, et n’eussent pas manqué d’execution, sy le roy, las et recreu de tant de guerres passées, son peuple ruiné, et ses finances espuisées, n’eut voulu passer, autant que le bien de son estat et son honneur luy pouvoint permettre, le reste de ses jours en paix dans un heureux et fecond[1] mariage, parmy une nombreuse famille, et dans les divertissements quy ne le destournoint des choses qui pouvoint estre utiles au bien de son estat, pour lequel il a toujours eu une parfaitte sollicitude.

Ces raysons, quy destournoint Sa Majesté d’entreprendre une guerre longue et douteuse avec le roy d’Espaigne (et de laquelle, comme il disoit souvent, il ne pouvoit esperer aucun avantage qu’une paix, apres avoir beaucoup consummé de temps, d’argent et d’hommes, avec la desolation de leurs deux frontieres, avec restitution de ce quy auroit esté occupé de l’une des parties sur l’autre), n’empeschoint pas neammoins que le roy ne prit son party quand il verroit une bonne occasion de le devoir faire ; et [il] ne trouva pas mauvais que Mr de Suilly fit quelque ouverture au roy Jacques d’Angleterre (vers lequel il estoit allé de sa

  1. Les précédentes éditions portaient : second, au lieu de : fécond.