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1609. décembre.

encor monsieur et madame la Princesse a Landrecies, avesques lesquels n’ayant peu rien traitter pour leur retour, il passa a Brusselles vers l’archeduc, auquel il desclara ce que le roy l’avoit chargé de luy dire. L’archeduc fut assés surpris, et bien qu’il eut donné quelque esperance a Rochefort, quy l’estoit allé trouver de la part de Mr le Prince, de le recevoir et proteger dans ses estats, il luy envoya neammoins prier d’y vouloir seulement passer sans s’y arrester. Mais depuis, animé par les persuasions du marquis Spinola, il le receut et garda dans ses païs : ce fut ce quy fit en fin resoudre le roy a executer ce grand dessein qu’il avoit longtemps escouté, souvent fait esperer de l’entreprendre, mais ou il ne s’estoit voulu jusques allors entierement jetter : lequel ne sera pas hors de propos, ny du present sujet, d’en parler maintenant, et de reprendre les choses a leur source, pour en donner une plus claire intelligence.

Comme ceux de la religion n’ont jammais eu un plus puissant ennemy que le roy d’Espaigne, ny qu’ils ayent plus craint et redoutté, aussy ont ils tourné leurs principaux projets et desseins a son abaissement et ruine ; et lors qu’ils ont eu acces a l’oreille de quelque prince, ils l’ont toujours animé a luy faire la guerre. Mrs de Boullon, de Suilly et des Diguieres, principaux personnages de cet estat, et les plus grands et habiles du party huguenot en France, quoyque toujours contraires et animés les uns contre les autres, se sont neammoins en tout temps unis a conseiller et presser le roy, voire mesmes l’ulcerer et envenimer contre la maison d’Austriche, et le roy d’Espaigne particulierement ; a quoy ils estoint aidés par la propre