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1609. novembre.

precedent pour estre receu et protegé ; il sera sans doutte allé en Flandres, et l’archeduc[1], quy ne connoit point Mr le Prince, quy n’a point d’ordre expres d’Espaigne pour le maintenir, et quy respecte et craint le roy, ne se le voudra pas jetter pour peu de chose sur les bras, et sans doute, ou vous le renvoyera, ou le chassera de ses estats.

Le roy prit goust a cet expedient ; mais il ne se voulut resoudre qu’il n’eut aussy ouy parler Mr de Suilly la dessus ; lequel arriva assés longtemps apres, avec une façon brusque et rude. Le roy alla a luy, et luy dit : « Monsieur de Suilly, Mr le Prince est party, et a emmené sa femme. » « Sire (luy dit-il), je ne m’en estonne point ; je l’avois bien preveu, et vous l’avois bien dit ; et sy vous eussiés creu le conseil que je vous donnay, il y a qμinse jours, quand il partit pour aller a Muret, vous l’eussiés mis dans la Bastille, ou vous le trouveriés maintenant, et je vous l’eusse bien gardé. »[2] Le roy luy dit : « C’est une affaire faite, il n’en faut plus parler ; mais que dois-je faire cependant ? Dittes m’en vostre opinion. » « Par Dieu, je ne

  1. L’archiduc Albert.
  2. L’insolent duc Sully, brutal en apparence,
    Mais propre au maniment de l’espargne de France,
    Visité par le prince exprès.........
    Et lors se separans, le duc alla au Louvre,
    Ou tout leur entretient mot à mot il descouvre
    Et à Sa Majesté dit qu’il n’estoit d’advis
    Qu’elle laissast sortir le prince hors de Paris....
    Dont de ne l’avoir creu le temps fut bientost proche
    Que le duc feit au Roy sur le succez reproche.

    (L’enlèvement innocent).