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1609. septembre.

Estats et la ruine de l’Espagnol, comme de celuy quy devoit un jour opprimer, avec la France, tout le reste de la chretienté.

Il eut non seulement une paisible, mais favorable audience ; et comme il estoit beau parleur, et energique, il ravit d’admiration plusieurs esprits assés ignorans, quy estoint là. Je me trouvay a cette proposition, et comme je n’avois pas l’esprit preoccupé en sa faveur comme les autres, je remarquay a son discours plusieurs choses fausses, beaucoup de vaines, et quantité quy servoint plustost d’ornement au langage que d’aide a la persuasion. Je dis lors à Mrs de Roquelaure et de Trigny, quy haut louoint le grand jugement de Mr de Boullon, et disoint qu’il n’y avoit plus rien a dire apres ce qu’il avoit dit, que, sy l’on vouloit prendre le contrepié de ce dont il avoit discouru, il y auroit plus de raysons a dire, et plus probables, que celles qu’il avoit proposées, et qu’il avoit appuyé tout son discours sur de faux fondements et suppositions. Apres que Mr de Boullon fut party, Trigny dit au roy, quy louoit les belles et bonnes raysons qu’il avoit desduites, que je disois que l’on en pourroit faire de mesme a prendre le parti de l’Espagnol contre les Hollandois : « Ayons en le plaisir, » repliqua le roy ; et sur ce, m’appela, et me commanda de luy parler contre les Hollandois, a quoy je m’embarquay, apres m’en estre excusé plusieurs fois ; et Dieu m’inspira sy bien que j’y reussis mieux que ceux quy m’escoutoint ne l’eussent creu : ausquels le roy addressant sa parole, leur dit : « Il faut avouer le vray, que Mr de Boullon a rayson, mais que Bassompierre n’a pas tort. » Et le soir mesme le roi me com-