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journal de ma vie.

ler de son dessein qu’a moy seul, affin qu’il ne fut point esventé, m’avoint porté a retarder jusques a cette heure a luy en faire l’ouverture ; qu’expres j’avois sejourné quelques jours en ma mayson pour esblouir les yeux de ceux quy eussent peu voir quelque jour en ce present affaire, ou quy se fussent peu doutter que j’eusse quelque chose a traitter avec Son Altesse de la part de Sa Majesté, des intentions de laquelle il devoit bien juger, puis qu’il m’avoit voulu commettre cette proposition, [a moy] de quy le frere a tout son bien en Lorraine, quy ay l’honneur d’estre son vassal du bien que j’y ay, et [pour luy] a quy ma maison a de tres estroittes obligations ; que, s’il vouloit tromper Son Altesse, il ne se fut pas voulu servir de mon industrie pour ce sujet, et que, quand il l’eut voulu faire, je n’eusse pas accepté cette charge ; que je ne la veux persuader en aucune chose, mais seulement luy dire purement et franchement ma commission, luy supplier de la tenir fort secrette, et puis m’y faire telle response qu’il luy plairoit, que je rapporterois a Sa Majesté sans y rien adjouster, desguiser ou diminuer ; que je ne luy demandois point une response presente, et qu’il la pouvoit meurement et a loysir peser, et considerer, avant que de me la faire ; mais que je le suppliois tres humblement qu’il choisit seulement une ou deux personnes pour s’en conseiller, affin de ne divulguer point une chose quy, pour beaucoup de respects, devoit estre celée et cachée.

Il se remit un peu a ce discours, et me demanda quel temps je luy donnois pour me respondre. Je luy repliquay que ce seroit celuy qu’il voudroit prendre, et que, pour couvrir davantage ma negociation, je