Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
210
journal de ma vie

selle sa fille et ses enfans : a quoy il s’accorda, et lors il me dit que je preparasse mes affaires pour le venir trouver sans bruit a Chantilly ou madame d’Angoulesme viendroit, et que nous nous marierions sans ceremonie. Mais Mr de Roquelaure, quy tachoit par tous moyens de remettre bien monsieur le connestable avec le roy, luy dit que s’il marioit sa fille sans le dire precedemment au roy, que ce seroit un acte de mespris dont le roy s’offenseroit encores davantage qu’il n’estoit ; qu’il trouveroit aussy mauvais que je luy eusse celé mon mariage, et qu’il m’en voudroit mal.

Or le roy avoit quelque temps auparavant desiré de me faire estre son premier gentilhomme de la chambre a la place de Mr le duc de Boullon, quy n’y avoit pas la sujetion necessaire, et m’avoit promis de me donner vingt mille escus pour m’aider a la recompenser. Il avoit aussy pour cet effet donné charge a La Barauderie, s’en allant voir Mr de Boullon, de luy en parler, ce qu’il avoit fait ; et il luy avoit rapporté que mon dit sieur de Boullon demandoit cinquante mille escus pour recompense de cette charge, mais qu’il croyoit qu’il l’abandonneroit pour quarante cinq mille escus, et que Mr de Boullon s’en venoit a la court pour y conclure cette affaire incontinent apres son arrivée ; ce que Mr de Roquelaure, quy m’aymoit tendrement, n’ignoroit pas, et mesmes avoit aidé a y disposer le roy : lequel Mr de Roquelaure adjouta a monsieur le connestable que, connoissant l’humeur du roy comme il faisoit, il l’asseuroit qu’il seroit bien ayse d’avoir ce pretexte pour se desdire des vingt mille escus qu’il m’avoit promis.