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1606. juillet.

Patriere me fussent venues voir a mon arrivée, et m’eussent dit comme tous les tailleurs et brodeurs estoint occupés de telle sorte que l’on n’en pouvoit fournir, quelque argent que l’on leur voulut donner, mon tailleur, nommé Tallot, vint avec mon brodeur me dire que, sur le bruit des magnificences du baptesme, un marchand d’Anvers avoit apporté la charge d’un cheval de perles a l’once[1], et que l’on me pourroit faire avec cela un habit quy surpasseroit tous les autres du baptesme, et que mon brodeur s’y offroit, sy je luy voulois donner six cens escus de la façon seulement. Ces dames et moy resolumes l’habillement, pour faire lequel il ne falloit pas moins de cinquante livres de perles. Je voulus qu’il fut de toile d’or violette, et des palmes quy s’entrelaceroint. En fin, devant que de partir, moy, quy n’avois que sept cens escus en bourse, fis entreprendre un habillement quy me devoit couster quatorse mille escus, et en mesme temps fis venir le marchand, quy m’apporta les eschantillons de ses perles, avesques lequel je conclus le prix de l’once. Il me demanda quattre mille escus d’erres[2] ; et moy, je le remis au lendemain matin pour les luy donner. Mr d’Espernon passa devant mon logis, quy sçachant que j’y estois arrivé, me vint voir, et me dit que bonne compagnie venoit ce soir souper, et jouer puis apres, a son logis, et qu’il me prioit d’estre de la partie. J’y portay mes sept cens escus, avesques lesquels j’en gaignay cinq

  1. Perles qu’on vend au poids.
  2. C’est-à-dire d’arrhes.