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1606. juin.

Elle dit a ce laquais que c’estoit la meilleure nouvelle que l’on luy eut sceu apporter, et qu’elle iroit ou je voudrois, pourveu que ce fut a condition de coucher entre deux draps avec moy.

J’acceptay le party, et dis a ce laquais, s’il connoissoit quelque lieu ou la mener, qu’il le fit : il me dit qu’il connoissoit une maquerelle, nommée Noiret, cheux quy il la meneroit, et que sy je voulois qu’il portat des matelats, des draps, et des couvertes de mon logis, qu’il m’y appresteroit un bon lit. Je le trouvay bon, et, le soir, j’y allay et trouvay une tres belle femme, agée de vingt ans, quy estoit coiffée de nuit, n’ayant qu’une tres fine chemise sur elle, et une petite juppe de revesche[1] verte, et des mules aux pieds, avec une peignoir sur elle. Elle me pleut bien fort, et, me voulant jouer avesques elle, je ne luy sceus faire resoudre sy je ne me mettois dans le lit avec elle, ce que je fis ; et elle s’y estant jettée en un instant, je m’y mis incontinent apres, pouvant dire n’avoir jamais veu femme plus jolie, ny quy m’ait donné plus de plaisir pour une nuit : laquelle finie, je me levay et luy demanday sy je ne la pourrois pas voir encores une autre fois, et que je ne partirois que dimanche, dont cette nuit la avoit esté celle du jeudy ou vendredy. Elle me respondit qu’elle le souhaitoit plus ardemment que moy, mais qu’il luy estoit impossible sy je ne demeurois tout dimanche, et que la nuit du dimanche au lundy elle me verroit : et comme je luy en faisois difficulté, elle me dit : « Je crois que

  1. Espèce de flanelle.