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1605. mars.

selon l’ordre que nous leur avions donné, s’estans retirés derriere nous, quy parusmes lors, et les chargeames rudement, nos genouilleres les incommodoint fort, et leurs bourrelets ne blessoint que nos armes ; de sorte qu’ils jugerent pour le mieux de se retirer dans leur gros quy estoit encores dans la rue de la Verrerie, lequel ils mirent en desordre ; et nous, cependant, les poursuivants toujours, j’eus le contentement qu’un de mes rivaux de Mlle  d’Antragues, de quy j’estois lors amoureux, fut bien frotté devant elle, quy estoit aux fenestres de son logis a nous regarder. En fin ils s’escarterent, et nous leur passames a travers. Ce fut le mardi 20me de février [22me], et le jeudi 22me [24me] j’eus une bonne fortune.

Le dimanche 25me [27me], se fit le combat à la barriere, le seul quy se soit fait du regne du feu roy, ny de celuy de son fils le roy present regnant. Nostre partie estoit les chevaliers de l’Aigle, et estions le comte de Sault, Saint-Luc, et moy, quy entrions ensemble. Feu Mr  de Vittry estoit nostre mareschal de camp, quy eut meilleure grace en cette action la qu’aucun autre quy s’en meslat allors : aussy estoit ce un tres honneste et brave homme, et original a sa mode[1].

Mars. — Le mardy suyvant, quy estoit le 27me fevrier

  1. Les tenants de ce combat à la barrière, ayant à leur tête le duc de Nevers, étaient le comte de Cramail, le marquis de Cœuvres, le baron de Termes et le comte de Saint-Aignan. Ils offrirent leur cartel sous le nom de chevaliers de Thrace. Les chevaliers de l’Aigle furent au nombre des assaillants ; à leur entrée Bassompierre portait sur son écu un aigle regardant le soleil avec cette devise : yo solo lo meresco. Voir sur ce combat le Romant des chevaliers de Thrace, Paris, J. Gesselin. MDCV.