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journal de ma vie.

pris un encherissement sur une terre que nous possedions desja ; que, cela consideré, il trouveroit que le revenu de ces domaines n’avoit point excedé l’interest de nostre somme ; que, s’il y avoit quelque chose a redire, c’estoit sur la partie de Mr de Schomberg[1], de laquelle le comté de Nanteuil nous seroit garant[2].

Le roy prit assés bien mes raysons : mais pour cela il ne fit pas casser l’arrest donné, sy bien en suspendre l’execution plus de deux années, pendant lesquelles nous jouissions, mais avec incertitude de nos affaires, et crainte que, sy un jour on executoit l’arrest, la recette que nous continuions de faire tomberoit plus lourdement sur nous, de sorte que de temps en temps je pressois le roy de me faire justice, soit en me remboursant, ou en cassant l’arrest : et comme je m’en voulus aller en Hongrie, je le pressay de m’expedier, lequel me promit qu’il me donneroit contentement, et que dans deux mois au plus tard je serois satisfait ; mais que je fisse bien comprendre mes raysons à Mr de Suilly, quy ne m’estoit pas favorable en cette affaire. Je luy dis que je reviendrois avant ce temps la (car je luy celay mon voyage de Hongrie, craignant qu’il ne m’en destournat, et luy dis seulement que j’allois en Lorraine et en Allemaigne), et que cependant je luy laissois mon frere quy luy en parleroit de temps en temps ; ce qu’il trouva bon. Et quand mon frere, quy estoit un esprit colere et chaud, luy en parla, le roy luy

  1. Parce que, pour cette partie, M. de Bassompierre n’était pas créancier direct du roi.
  2. Gaspard de Schomberg avait acquis du duc de Guise le comté de Nanteuil, moyennant 380000 livres.