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1604. juin.

creut que, sans bourse deslier, il pourroit payer le duc de Wirtemberg qu’il affectionnoit pour estre protestant, et parce aussy qu’il l’avoit autrefois connu. Il le proposa au roy, et l’asseura que nous aurions sujet d’estre plus que contents sy le roy nous faisoit don de ce que nous luy serions redevables de reste ; de sorte qu’en l’année 1601, comme je revins d’Angleterre, je trouvay que, par un arrest du conseil, il estoit ordonné que ma premiere somme de 60000 escus me seroit actuellement remboursée avec les interets au denier dix ; que les deux autres, de chascune 40000 escus, me seroint pareillement remboursées, mais sans interets, et que je rendrois compte des fruits des dits domaines depuis l’année 1569 que j’en estois entré en jouissance.

Je me plaignis grandement au roy de cette injustice de son conseil, et lui fis voir comme mon pere, estranger et ignorant des lois de la France, avoit traitté de bonne foy, que s’il n’eut pris sur les dits domaines la seconde somme de 40000 escus, que l’on [la] luy eut donnée comptant, comme l’on avoit fait aux autres colonels ; que sy on en faisoit de mesme a tous les anciens detenteurs des domaines, ou droits sur le roy, quy, par leur industrie ou la suitte des temps avoint esté augmentés, outre que l’on ruineroit quantité de grandes maisons, cela apporteroit ce prejudice que tous les domaines qu’ils tiennent desperiroint ; et que, quand cette regle seroit generale, elle devroit avoir exception pour nous quy estions estrangers, quy servions de bonne foy, et quy avions apporté du soulagement aux affaires du roy, n’ayant pas receu nostre argent comptant que l’on nous devoit donner, mais