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1604. avril.

Prague : mais comme son pere retomba malade, elle ne le peut, mais elle me fit venir desguisé a Carlestein, ou je fus cinq jours et six nuits caché en une chambre pres de la sienne, au bout desquels, et de ma vigueur, je m’en revins a Prague, ou, apres avoir tiré mes expeditions, et assinnation pour l’argent de ma levée sur le landsfried de Lorraine[1], je pris congé de l’empereur pour m’en revenir en France (avril), et partis de Prague, le jeudi devant Paques fleuries[2] en poste avec un de mes amis nommé Cocorjovits, et vinmes coucher à Carlestein pour dire adieu au bourgrave, a ses fils et filles, mais en effet pour prendre congé de ma maitresse, et en esperance, mesmes en ferme creance lors, de retourner la trouver aussy tost que ma levée seroit faite, que je ferois acheminer par le Danube en Hongrie, pendant que j’irois faire un tour à la court de l’empereur.

J’en partis le lendemain, et vins coucher a Cocorjovits, ou il me fut fait tres bon traittement par le maitre de la maison, et y avoit assés belle compagnie de dames : mais elles ne me touchoint gueres au cœur ; car j’y avois donné trop de place a panna Ester Prechethovits. Je n’avois avesques moy que le seul Guit-

  1. Sur les recettes provenant du landsfried de Lorraine. Le landsfried, ou paix du pays, était un établissement par lequel la diète de Worms avait, en 1495, aboli dans l’Empire le droit de guerre privée, sous peine d’amende et de confiscation. La Lorraine, quoique reconnue indépendante par le traité de 1542, contribuait pour sa quote-part aux charges qui avaient pour objet la paix et la sûreté de l’Empire.
  2. Le 8 avril.