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1603. octobre.

meau ou buffle, ou quelque malheureux Turc. C’est pourquoy l’armée turquesque ne print point alarme lors qu’ils virent aborder deux chayques a leur rive, deux heures avant la nuit du dit samedi : et apres que l’ingenieur leur eut tracé le fort, ils passerent autres cinq chayques avesques quelque cinquante travailleurs, quy n’estonnerent pas ces gardeurs de chameaux. Mais comme la nuit fut venue, il passa jusques a huit cens Hongrois, quy travaillerent sans intermission toute la nuit, et furent le matin relevés par cinq cens autres, lesquels continuerent le retranchement ; de sorte qu’il y avoit un fossé de deux toises autour, creux d’une toise, et le fort relevé de pres de dix pieds. Cela donna telle frayeur aux Turcs que toute nostre armée ne se voulut camper entre Bude et eux, qu’ils se resolurent de chasser les nostres de ce fort.

La plaine ou il estoit assis a plus d’une demi-lieue tant de long que de large, faite en demie lune, quy est bornée par les costeaux, par le camp des ennemis et par Bude en l’arc, et par la riviere en la corde : ces costeaux font cinq vallées, outre celle de Bude et celle du camp, et a Bude y a la citadelle sur une montaignette, nommée le Blockhaus.

Des le matin du dimanche 13e octobre[1] les Turcs mirent leurs chameaux en haye, avesques chascun une banderolle dessus, sur le haut des costeaux, ce quy faisoit fort belle veue : et ne fut veu dans toute cette plaine aucun homme ny beste, sy ce n’estoit quelque Turc quy passoit parfois du camp a Bude, ou aux vallées, pour porter les ordres.

  1. Le dimanche était le 12 octobre.