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1603. octobre.

cent ou six vingts Turcs quy y estoint de garde, et jetter les pieces de canon sur des radeaux qu’a cet effet on avoit ordonnés.

Le tout fut conduit avesques un tres bon ordre, hormis qu’une demie heure devant, les Hongrois destinés a faire l’execution ayans demandé d’estre secourus de cinquante piquiers ou hallebardiers pour soustenir un choc de cavalerie, s’il y en avoit dans l’isle, le Rosworm dit qu’ils fissent ce quy leur avoit esté ordonné, et qu’il ne vouloit pas hasarder ses piquiers a cette execution, ce quy piqua tellement les Hongrois qu’ils ne voulurent point donner dans l’isle, qu’ils eussent sans difficulté prise, et les canons aussy : car le batteau avesques les caques donna contre le pont, et le rompit ; et les Turcs quy estoint dans l’isle prindrent l’espouvante de telle sorte qu’ils se jetterent dans le Danube pour gaigner leur camp, dont plusieurs se noyerent, et nos Hongrois demeurerent au millieu du Danube sur leurs vaisseaux sans vouloir s’advancer. Nous estions de l’autre costé du Danube, vis a vis de la petite isle, pour voir executer cette entreprise, bien marris de voir que, par la lascheté ou meschanceté des Hongrois, nous eussions perdu cette occasion.

Le general s’en retourna bien en colere, disant forces choses infames contre les Hongrois ; ce qu’il continua encores le lendemain, principalement lors que les trois colonels hongrois, Colovich, Anadasti, et Dourgi[1], le vindrent trouver pour luy faire prendre rayson en

  1. Ce colonel est probablement celui que de Thou appelle Tursy, et qui était capitaine général du Danube.