Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
journal de ma vie

et que nous n’avions encores veu pratiquer. Car apres que Colovich fut venu premierement aux Hongrois quy escarmouchoint, puis a nous, pour nous dire que, sans discontinuer l’escarmouche, nous perdissions toujours petit a petit du terrain, il s’en retourna a ces deux mille chevaux qu’il separa en cinq esquadrons, qu’il mit comme un cinq d’un dé : il mit, puis apres, le capitaine a la teste, et le lieutenant a la queue de chasque esquadron ; puis a un point nommé, il fit faire a chasque homme des deux premiers esquadrons, quy estoint en teste, demi tour à gauche, les ayant pour cet effet un peu eslargis en leurs rangs ; puis l’esquadron ayant la teste tournée devers nostre camp, et le lieutenant estant a la teste, ces deux esquadrons susdits s’alloint, au trot, remettre derriere les deux esquadrons quy faisoint les deux derniers points du cinq du dé, laissant autant de distance entre les quattre bataillons qu’il en falloit pour y placer le cinquieme pour faire le cinq du dé parfait ; puis ils se remettoint la teste tournée devers l’ennemi. Cependant nous perdismes autant de terrain que ces deux esquadrons en avoint quitté, l’esquadron du milieu soustenant nostre escarmouche ; lequel se retira peu apres en la mesme forme que les deux premiers, et se logea entre les quattre ; et puis les deux derniers esquadrons en firent de mesme, et ainsy consecutivement jusques a ce que, sans desordre, nous fusmes rejoints dans le corps de l’armée. Allors le general la fit toute marcher en battaille droit aux ennemis quy nous attendirent bravement, bien qu’inegaux. Comme nous marchions, on nous battoit de cinquante canons de l’autre costé du Danube ; ce quy nous fit quelque peu de mal : mais