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journal de ma vie.

camp. Il y avoit quelque six vingts Hongrois de ceux du Colovich, quy estoint en garde dans l’isle, quy nous dirent que les Turcs passoint dans l’isle a une lieue au dessus, et qu’ils faisoint un pont de batteaux pour la traverser. Colovich me fit prendre un de ses chevaux pour quitter le mien qui n’estoit pas assés viste, et allames reconnestre les Turcs avec cette cavalerie : mais des qu’ils nous ouïrent venir, ils rentrerent dans les chayques[1], (quy sont petits vaisseaux du Danube armés), et s’en retournerent de l’autre costé vers l’armée des Turcs. C’estoit quelque petit nombre de Turcs qui estoint venus reconnestre le lieu ou ils se camperoint apres estre passés. Ils ne discontinuerent pas pourtant la fabrique de leur pont de batteaux, qu’ils avoint desja conduitte depuis leur rive jusques a une petite isle que le Danube fait en ce lieu la ; et de cette isle avoint desja advancé vers nous quattre batteaux, lesquels, le matin suivant 28e septembre, nous rompismes a coups de canon, et en fut aussy tiré grande quantité du camp des Turcs a nous, la riviere entre deux : puis nous nous retirames au camp, et proche du pont je vis premierement empaler deux prebecs (ou fugitifs de nostre armée vers celle du Turc).

Nous passames le reste de la journée en l’attente de ce que les Turcs voudroint entreprendre : ce quy nous apparut la nuit prochaine ; car ils passerent en l’isle d’Odom au mesme lieu qu’ils avoint reconnu et descendu la nuit precedente, au nombre de quelque dix mille hommes, tant de pié que de cheval, sur des

  1. Caïques.