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journal de ma vie.

festin a soupper, ou nous beumes mediocrement : mais de malheur, les deputés susdits estans venus sur la fin du soupper, on fit resservir de nouveau, et fusmes jusques a minuit a table, ou nous nous ivrasmes tellement, que nous perdismes toute connoissance : on nous ramena dans nos batteaux, d’ou nous partimes le lendemain 26e pour aller coucher a Vats[1]. Nous eumes la nuit quelques allarmes des Turcs, ou pour mieux dire, des Hongrois, quy feignoint estre Turcs pour venir piller : ce quy nous fit passer la nuit dans nos batteaux. Et le 27e de septembre nous passames aupres de l’isle de Vats, gardée par quinse cens lansquenets sous la charge du colonel Ferdinand Colovich, lequel nous attendit a disner dans son batteau, et nous traitta fort bien, en ayant eu ordre de son frere le colonel Zeifrid Colovich duquel j’ay parlé cy dessus.

Peu apres que nous fusmes dans son batteau, il me retira en sa chambre, ou il me donna une lettre de son frere en creance sur luy, par lequel il me mandoit que je pouvois en asseurance venir saluer le general Rosworm en la compagnie de Mr le prince de Jainville ; que Mr de Tilly, quy, cette année la, estoit sergent major general de cavalerie et infanterie de l’armée, lequel avoit autrefois esté aufwarter[2] de feu mon pere, et quy m’affectionnoit fort, luy avoit dit que le general luy avoit asseuré qu’il ne me vouloit point de mal en mon particulier, mais qu’aussy il ne vouloit point avoir de privauté avesques moy, et que

  1. Waitzen, sur la rive gauche du Danube.
  2. Aufwaerter, soldat servant, ou page. Les anciennes éditions portent : au quartier.