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1600. septembre.

Chamoux pour faire le siege de Charbonnieres que Mr de Grillon avoit desja investie. Mr de Suilly[1] y amena forces canons, qu’il fit guinder a l’exemple de Mr des Diguieres, et le mesme jour qu’il fut en batterie, le chasteau se rendit (septembre)[2]. Nous fusmes douse jours a ce siege, au bout desquels, et apres la prise de Charbonnieres, le roy s’en alla a Grenoble.

Je m’en voulus aller avec Mr des Diguieres en la vallée de Morienne qu’il alloit conquerir ; mais le roy me commanda de le suivre. Il vint coucher a la Rochette, et le lendemain disner a Grenoble ; d’ou, ayant sceu que madame de Verneuil arrivoit à Saint-André de la Coste[3], il partit pour s’y en aller, et me fit prester un des chevaux de son escuirie pour le suyvre. Je fis cette traitte au trot, dont j’estois sy las qu’a l’arrivée je n’en pouvois plus. A l’abord le roy et madame de Verneuil se brouillerent[4], de sorte que le roy s’en voulut retourner de colere, et me dit : « Bassompierre, que l’on face seller nos chevaux pour nous en retourner. » Je luy dis que je dirois bien que l’on sellat le sien, mais que, quant au mien, je me des-

  1. Maximilien de Béthune, alors marquis de Rosny, depuis duc de Sully, surintendant des finances et grand-maître de l’artillerie, maréchal de France en 1634, fils de François de Béthune, baron de Rosny, et de Charlotte Dauvet, né en 1559, mort le 21 décembre 1641.
  2. Charbonnières capitula le 10 septembre.
  3. La Côte-Saint-André, sur la route de Vienne à Grenoble.
  4. La querelle avait sans doute pour motif la fameuse promesse de Henri IV à la marquise de Verneuil, et la prochaine arrivée de la « grosse financière » qui allait devenir reine de France.