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journal de ma vie.

quante Suisses d’un costé, et cinquante François de l’autre, avec des cables ; et avoit d’espace en espace, en montant, fait faire des relais pour reposer le canon, et donner loisir aux François et Suisses de remonter aux marches plus hautes : et ainsy ayant premierement fait guinder les gabions, puis les plate-formes, les munitions et les affuts, finalement monta les canons avec une diligence incroyable, et dont nous n’avions encores veu en France l’experience. La batterie fut preste a onse heures, et on commença a battre le derriere du chasteau, quy est au haut de la ville, contre l’attente des assiegés, quy ne se fussent jamais doutés que l’on les eut pris par la. Le roy arriva a la batterie sur les deux heures apres midy, comme nous nous estions preparés pour aller a l’assaut ; ce qu’il ne voulut permettre, et renvoya querir par Perne, exempt de ses gardes, huit ou dix volontaires, qui estions prets a donner : et en mesme temps ceux de la ville firent une chamade pour se rendre ; et sortirent deux heures apres, avesques honorable capitulation, mille trente soldats commandés par un marquis de Versoy, baron de Vatteville, et nous n’estions pas tant a les assieger.

Le roy partit le lendemain, et vint coucher a Saint-Pierre d’Albigny. Le jour d’apres il disna au chasteau de Miolans. Il trouva dedans cinq prisonniers que Mr de Savoye y tenoit depuis longues années, quy ne pouvoint endurer la clarté du jour en sortant : il donna la liberté a quatre, et le cinquieme ayant esté reconnu pour avoir fait de grandes meschancetés en France, fut envoyé a Lion, ou peu de jours apres il fut mis sur une roue. De la le roy vint coucher a