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1599. mars.

encores que je le fusse bien fort ; car j’honorois particulierement ce seigneur la.

Je m’en allay deux jours apres[1] a Fontainebleau, ou un jour, comme on eut dit au roy que j’avois de belles portugaises et autres grandes pieces d’or, il me demanda si je les voulois jouer au cent contre sa maitresse ; a quoy m’estant accordé, il me faisoit demeurer pres d’elle a jouer, pendant qu’il estoit a la chasse, et le soir il prenoit son jeu. Cela me donna grande privauté avesques le roy et elle : lequel un jour m’ayant mis en discours de ce qui m’avoit convié de venir en France, je luy avouay franchement que je n’y estois point venu a dessein de m’embarquer a son service, mais seulement d’y passer quelque temps, et de la en aller faire autant en la court d’Espaigne, avant que de faire aucune resolution de la conduite et visée de ma fortune ; mais qu’il m’avoit tellement charmé, que, sans aller plus loing chercher maitre, s’il vouloit de mon service, je m’y vouois jusques a la mort. Allors il m’embrassa, et m’asseura que je n’eusse sceu trouver un meilleur maitre que luy, quy m’affectionnat plus, ny quy contribuat plus a ma bonne fortune et a mon avancement. Ce fut un mardy[2] ...me de mars, que je me compte depuis ce temps la françois, et puis dire que depuis ce temps la j’ay trouvé en luy tant de bonté, de familiarité, et de tesmoygnages de bonne volonté, que sa memoire sera, le reste de mes jours, profondement gravée dans mon cœur.

  1. Le mercredi 10 mars. Le duc de Joyeuse était rentré au couvent le lundi 8 mars.
  2. Ce mardi devait être le 16, ou le 23, ou le 30 mars.