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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Ce n’est pas ces mesquines considérations qui m’enragent, mais c’est que, quelque mesquines qu’elles soient, elles me désespèrent et m’empêchent de songer à ma grandeur.

Qu’est-ce que la vie sans entourage, que peut-on faire toujours seule ? Cela me fait haïr le monde entier, ma famille, me haïr moi-même, blasphémer ! Vivre, vivre ! Sainte Marie, Mère de Dieu, Seigneur Jésus-Christ, mon Dieu, venez à mon aide !

Mais si on se consacre aux arts, il faut aller en Italie !!! Oui, à Rome.

Ce mur de granit contre lequel je viens me briser le front à chaque instant !

Je resterai ici.


Dimanche 12 août. — J’ai ébauché le portrait de la femme de chambre de la maison, Antoinette. Elle a une figure charmante et des yeux bleus, grands et brillants et d’une naïveté et d’une douceur exquises. Voilà ce que c’est ; l’ébauche réussit toujours, mais pour savoir finir il faut avoir étudié.


Vendredi 17 août. — Je me suis persuadée que je ne puis pas vivre hors de Rome. En effet, je dépéris tout bonnement, mais au moins, je n’ai envie de rien. J’aurais donné deux ans de ma vie, pour n’avoir pas encore été à Rome.

Malheureusement on n’apprend comment faire que lorsqu’il n’y a plus rien à faire.

La peinture m’enrage ! Parce que chez moi, il y a de quoi faire des merveilles et que je suis, sous le rapport des études, plus malheureuse que la première gamine venue, chez qui on remarque des dispositions et qu’on envoie à l’école. Enfin, j’espère au moins