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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

que je me souviendrai toujours de cela. Le Roi a vu que ce mouvement venait de votre bon cœur, et c’est ce qui l’a flatté ; le Roi sait que vous n’avez besoin de rien, que vous êtes étrangères ; c’est justement pour cela qu’il est si touché. Il en a parlé tout le temps et il m’envoie faire ses excuses pour le désagrément que vous avez eu.

« Maman » a fait accroire au comte Doenhoff que j’avais été enfermée pendant vingt-quatre heures pour punition de l’escapade, et ce bruit s’est aussitôt répandu, d’autant plus facilement que je suis restée derrière les vitres du balcon pendant que Dina se promenait avec maman.

J’avais interrompu dix fois et enfin j’ai débordé en un flot de paroles de gratitude et de joie.

— Le Roi était trop, trop bon de penser à me rassurer. J’étais une folle qui croyais être dans mon pays… et voir mon empereur à qui j’ai parlé (c’est vrai). Je serais au désespoir si le Roi avait eu le moindre ennui de ce que j’ai fait. J’avais une peur atroce d'avoir offensé le Roi. Je l’ai peut-être effrayé par ma brusquerie…

— Sa Majesté n’est jamais effrayée quand il s’agit d’une « bella ragazza », et je vous le répète au nom du Roi, — ce sont ses paroles, je n’ajoute rien, — que loin d’être mécontent, il est enchanté, ravi, reconnaissant. Vous lui avez fait un plaisir extrême. Le Roi vous a remarquée l’année passée à Rome et au carnaval de Naples… et le Roi a été très mécontent contre M. le comte Doenhoff, dont il a noté lui-même le nom, qui vous a dit quelque chose et vous a empêchée d’être là lorsque le Roi sortait.

Il faut vous dire que Doenhoff dans sa frayeur avait fermé la porte, ce dont je ne me suis pas