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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

enchanteur, éclairant mes roses et mes magnolias…

Ce pauvre jardin qui ne m’a jamais donné que des pensées tristes et de dépit atroce !

Je suis rentrée chez moi les yeux humides et triste, bien triste.


Samedi 2 décembre. — Le souvenir de Rome me fait pâmer… Mais je ne veux pas y retourner. Nous irons à Paris…

Ô Rome ! Que ne puis-je la revoir ou bien mourir ici ! Je retiens mon souffle et je m’étire comme si je voulais m’allonger jusqu’à Rome.


Dimanche 3 décembre. — Pour tout divertissement les changements du ciel. Hier il était pur et la lune brillait comme un pâle soleil ; ce soir, il est couvert de noirs nuages déchirés pour laisser entrevoir les parties claires et brillantes comme hier… J’ai fait ces observations en traversant le jardin pour venir du pavillon chez moi. À Paris on n’a pas cet air, cette verdure et la pluie parfumée de cette nuit.


Jeudi 7 décembre. — Les petites misères domestiques me rendent découragée.

Je m’enfonce dans les lectures sérieuses et je vois avec désespoir que je sais si peu ! Jamais, il me semble, je ne saurai tout cela. J’envie les savants jaunes, décharnés et vilains.

J’ai la fièvre des études, et personne pour me guider.


Lundi 11 décembre. — Je me passionne chaque jour davantage pour la peinture. Je n’ai pas bougé de la journée, j’ai fait de la musique et cela m’a monté la tête et le cœur. Il fallut deux heures de conversation sur