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JOURNAL

— Non, monsieur, je n’ai pas cet honneur. Je l’ai seulement vue, mais je connais M. Bashkirtseff. Mlle Bashkirtseff est une ravissante personne, c’est une vraie beauté, mais une beauté « indépendante, originale, naïve » ; je l’ai rencontrée dans un wagon près de Pétersbourg, et elle nous a positivement frappés, moi et mes camarades.

— Cela m’est d’autant plus agréable, dit le monsieur, que je suis son oncle.

— Ah ! et moi, monsieur, je me nomme Soumorokoff. Mais votre nom ?

— Babanine.

— Enchanté.

— Charmé, etc., etc.

Le comte ne cessait de répéter que ma place est à Pétersbourg et qu’il est odieux de me garder à Poltava.

Ah ! monsieur mon père !!

— Mais mon oncle, dis-je à Alexandre, vous avez sans doute inventé tout cela.

— Que je ne revoie jamais ma femme et mes enfants, si j’ai inventé une seule parole, et que la foudre m’écrase !

Mon père rage, ce à quoi je ne fais pas la moindre attention.


Poltava.Mercredi 15 novembre. — C’est dimanche soir que je suis partie avec mon père, après avoir vu, pendant mes deux derniers jours de Russie, le prince Michel et le reste.

À la gare, il n’y a que ma famille avec moi, mais beaucoup d’inconnus regardaient notre « bataclan » avec curiosité.

Le voyage seul jusqu’à Vienne me coûte près de cinq cents roubles. J’ai payé pour tout moi-même. Les