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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Il faut avoir ma force morale pour paraître toujours le même et calme. Ne vous voyant plus…

— Vous m’oublierez.

— Jamais.

— Mais alors ?

Mon accent avait perdu toute teinte de raillerie, j’étais touchée.

— Je ne sais pas, dit-il ; seulement cet état de choses me fait trop mal.

— Pauvre !…

Je me repris aussitôt, cette pitié est une insulte.

Pourquoi est-ce si délicieux d’entendre les confessions des souffrances qu’on cause ? Plus on est malheureux d’amour pour vous, plus vous êtes heureuse.

— Venez avec nous, mon père ne veut pas emmener Paul, venez.

— Je…

— Vous ne pouvez pas — nous le savons. Je ne vous en prie plus. Assez !

Je pris un air d’inquisition ou comme une personne qui s’apprête à bien s’amuser d’une méchanceté.

— Alors j’ai l’honneur d’être votre première passion ? c’est admirable ! Vous êtes un menteur.

— Parce que ma voix ne change pas de ton, et parce que je pleure pas ! J’ai une volonté de fer, voilà tout.

— Et moi qui voulais vous donner… quelque chose.

— Quoi ?

— Ça.

Et je lui montrais une petite image de la Vierge suspendue à mon cou par un ruban blanc :

— Donnez-la-moi.

— Vous ne la méritez pas.

— Eh ! Moussia, fit-il en soupirant, je vous assure